Romain Icard
Réalisateur
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DR
Lebensborn, les pouponnières du IIIE Reich
Réalisation: Romain Icard
Images: Lionel Jan Kerguistel - Archives
Montage: Sylvain Oizan-Chapon
Musique : Ardag Basmadjian
© Nilaya Productions - 2013
Selection FIGRA 2014
Disponibe en DVD
Alors que l'extermination des juifs n'est pas encore planifiée, alors que la guerre n'a pas encore éclaté, Adolf Hitler et son entourage envisagent déjà la création d'un substitut idéal aux “sous races”, une humanité « parfaite ». Le Lebensborn en est l’élément fondateur.
Il y a quelques années, j'ai réalisé un documentaire sur la “Shoah par balles” au cours duquel nous avions recueilli les témoignages d'enfants russes, ukrainiens et biélorusses. Devenus adultes, ils racontaient encore avec leurs yeux d'enfants ce qu'ils avaient vu de l'extermination des juifs de l'Est durant la Seconde Guerre Mondiale. Ses recherches ont provoqué chez moi une forme de révélation. J'ai découvert la force extraordinaire de ces témoignages. Les enfants peuvent parfois interpréter, certes, mais ils ne mentent pas. Or, c'est justement la mémoire de ses enfants que nous souhaitions capter, souvent, pour la première fois qui se livrait.
Avec “ les Pouponnières du IIIème Reich”, c'est avant tout cette matière humaine que je souhaite de nouveaux explorer. Je veux comprendre comment ces hommes et ces femmes vivent avec l'idée qu'ils sont le fruit d'un projet eugéniste sans précédent. Il s’agit aussi de tenter de comprendre comment il est possible d'enfanter et d'offrir consciemment son enfant à un régime politique, qui plus est nazi. Car c'est bien de cela dont il s'agit.
Tous les témoins du film ont pour point commun d'avoir eu un père SS, qui n'avait d'autres missions que d'exterminer les Juifs d'Europe, et une mère, pour qui la maternité passait au second plan derrière une idéologie de mort. Comment, aujourd'hui, plus de soixante ans plus tard, ces enfants assument cet héritage ? En racontant leur parcours d'enfants abandonnés, d'abord par leurs parents puis par le IIIème Reich, Walter, Gisèle, Erwin, Helga, Brigitta, Gisella, Paul, Thorleif nous racontent aussi l'Histoire. Ils y sont liés éternellement. C'est tout le paradoxe de leur vie : ce sont les derniers descendants d'une idéologie défunte. Les Lebensborn avaient pour finalité la transformation en profondeur de la population allemande et européenne par l'utilisation de ce que les nazis considéraient comme un matériel génétique unique. Leur code génétique. Le miroir, terrible, de la Shoah, où la naissance est une nouvelle arme.
Ce film s'interroge également sur ce que fut aussi la justice des vainqueurs. L'Allemagne nazie terrassée, le supplice des enfants parfaits, a perduré à plus d'un égard. D'abord parce qu'ils devenaient, de fait, des orphelins, avec tout ce que cela pouvait engendrer dans une période aussi trouble que celle de l'après-guerre. Ensuite parce qu'ils ont découvert, des années plus tard, que leurs bourreaux avaient échappé à la justice internationale. Durant les grands procès de Nuremberg, les dirigeants de ces “pouponnières” ont soutenu que le projet n'était qu'humanitaire.
Une ligne de défense payante puisqu'ils furent tous acquittés… C'est de cette décision que découle aujourd'hui une forme de honte, tenace, pour certains enfants maudits du troisième Reich. Car comment peuvent-ils se dire victimes de la barbarie nazie alors qu'ils en sont le fruit ? C'est là tout le paradoxe de cette histoire : une sorte de trou noir dans lequel ont sombré des milliers d'enfants de par l'Europe et quelques dizaines en France.
Aujourd'hui, certains d'entre eux découvrent, à 60 ans, que leur histoire leur a été cachée, qu'il existait quelque part, dans les archives militaires, une trace de leurs parents. Une découverte en forme de nouvelle blessure.